PRIX ROSNY AINE 1986

Le chemin de la rencontre

La lumière violette de l'après-midi s'infiltrait par les orifices, rampait sur le sol de terre battue, planait paresseusement dans l'air un peu moite, avant de plonger vers la toile pour en éclabousser les couleurs.
Frull réfléchit un moment, puis il déposa un halo scintillant autour de la spirale orange de droite.
Certaines composantes étaient encore trop peu discernables ; en particulier ce qu'il avait interprété comme l'angoisse de la quête et l'incertitude de la remise en question, et la joie de la découverte. Les sentiments étaient toujours les plus difficiles à transcrire.
Il retourna consulter le modèle, aspirant avec précaution, par sa trompe évasée, quelques unes des précieuses molécules.
Indiscutablement, il avait oublié l'angle aigu de la chaîne CH3COOH, qui revenait cycliquement dans la plupart des polymères, et la note piquante un peu saugrenue de la combinaison CaCl2. Une note d'humour dont il ne discernait pas encore très bien l'objet.
On frappa à sa porte, dans un style typiquement terrien.
C'était Serge, le petit mâle maigrichon et difforme qui avait installé son campement en bordure du village depuis une semaine.
Il avait l'air beaucoup moins courtois que d'habitude.
Résigné à subir l'inconvenant flot de questions dont les Terriens semblaient coutumiers, Frull reprit son pinceau en soupirant.
L'homme fit une faute de goût en allumant son traducteur, avant que Frull ne l'ait salué. Frull songea avec indulgence qu'il devait être bouleversé par les récents événements, ou plutôt par le peu qu'il en connaissait.
- Lorrie a disparu ! annonça Serge...