Un rêve d'herbe

Je l’ai tout de suite aimé. A cause de sa chemise. D’un vert intense, lumineux, si différent qu’on aurait dit qu’il avait inventé une couleur tout à fait nouvelle. Pourtant c’était la couleur de l’herbe neuve, l’herbe grasse de certains printemps humides.
C’était un printemps humide.
Il marchait sur l’asphalte gris de cette ville grise, traversée de soleil entre deux orages, devant les pavillons orgueilleux dont l’indifférence franchissait paresseusement les grilles, pour revenir engloutir entre les murs vides d’impossibles habitants. Il était subtilement étranger, un peu trop réel dans cette vacuité aux parfums de grandes vacances.
Il marchait vers moi, et pour retarder l’instant définitif de notre croisement j’ai ralenti, ralenti, jusqu’à ce que par quelque mystérieux processus je me retrouve figée, immobile, les yeux rivés dans les siens.
Il arriva à ma hauteur, un peu à droite. A l’instant où il allait me dépasser son pied hésita sur un obstacle invisible et revint en arrière à côté de l’autre.
Il se tourna vers moi.
— Vous êtes perdue ?